Agroécologie : "Chez Carbone'N Caux, on a supprimé les factures"

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N'en déplaise à certains, l'agroécologie n'est pas un mot fourre-tout devenu à la mode dans l'agriculture. Après avoir marqué les esprits par ses innovations sur le plan environnemental, l'agroécologie fait la preuve aujourd'hui de sa rentabilité.
L'enseignement agricole s'y intéresse très fortement, à travers la mise en place du nouveau plan Enseigner à Produire Autrement
Les Rencontres nationales des Exploitations et Ateliers technologiques de l'enseignement Agricole se déroulent du 22 au 24 octobre au Lycée agricole d'Yvetot. Parmi les visites proposées, l'exploitation de Baptiste Gressent accueillait à Sainte-Austreberthe une présentation des travaux du GIEE Carbone'N Caux.
Carbon'N Caux
Les 15 agriculteurs membres de ce Groupement d'Intérêt Economique et Environnemental basé en Seine-Maritime ont souhaité explorer et approfondir les différentes techniques agricoles durables. Afin d’aboutir à un bilan carbone positif à l’échelle de l’exploitation agricole. A savoir la séquestration du carbone. Ainsi que la compréhension des interactions entre carbone et azote dans le sol.. Avec pour double objectif de réduire l'érosion et l'émission de gaz à effet de serre. Tout en ayant pour finalité, la co-construction d'un outil permettant de calculer son bilan carbone
Le territoire d’étude, le Pays de Caux, est marqué par une agriculture productive, des phénomènes d’érosion et de battance importants. Cette région agricole est également concernée par des enjeux eau avec 11 bassins d’alimentation de captage d’eau prioritaires. Le groupe souhaite trouver des solutions de maintien de la fertilité et de préservation de la qualité de l’eau, contribuant à l’amélioration de la transmissibilité et la durabilité des exploitations.
Adeptes de l'agriculture de conservation des sols, les membres de Carbon'N Caux sont d'ores et déjà entrés dans des logiques de diminution de la mécanisation et du travail du sol, la diminution de l’emploi des intrants chimiques et une meilleure gestion des effluents d’élevage.
Une érosion maîtrisée grâce à la couverture des sols - Photo : Benoît Thiollent
+ de carbone dans le sol
Dans la fraîcheur du vent d'automne soufflant sur le plateau du Pays de Caux en ce 23 octobre, les présentations s'enchaînent. Sous des regards manifestement surpris.
Car l'innovation et l'originalité sont la marque de fabrique des GIEE. Arnaud Izabelle, directeur de l'exploitation du Lycée Agricole d'Yvetot en convient : "Parfois, on a l'impression de travailler en décalage par rapport à notre territoire." Ce territoire, c'est le Pays de Caux, bien connu pour sa terre à pomme de terres. Une terre largement travaillée, tamisée, et largement amendée de fongicides.
Or, les membres du GIEE ont décidé de nager à contre-courant. En s'éloignant de la facilité de cette culture fortement rémunératrice. Pour travailler sur une vision autre de l'agriculture. Celle de la diminution drastique de l'utilisation des produits phytosanitaires. Et, dans une région caractérisée par la polyculture-élevage, celle aussi de la mise en route d'un cheminement vers l'autonomie alimentaire du troupeau.
Présentation des essais de Carbone'N Caux - Photo : Benoît Thiollent
Des techniques alternatives
Arnaud Izabelle poursuit : "Demain, il n'y aura plus de glyphosate. Notre système d'agriculture de conservation n'est pas basé sur le glyphosate. On a voulu montrer s'il y a un vrai impact du sol par rapport à l'utilisation du produit. Et notre objectif à terme est de ne pas revenir sur les diminutions d'IFT acquises. "
L' IFT est l'Indicateur de Fréquence de Traitements phytosanitaires. Il comptabilise le nombre de doses de référence utilisées par hectare au cours d’une campagne culturale. Pour un exploitant agricole, l'IFT permet d'évaluer ses progrès en termes de réduction de l'utilisation des produits phytopharmaceutiques. Il permet également de situer ses pratiques au regard de celles du territoire et d’identifier les améliorations possibles.
L'autonomie comme objectif
Cette approche environnementale est menée en parallèle de l'objectif de produire sur l'exploitation un aliment complet pour le bétail. Les responsables d'exploitations et d'ateliers technologiques n'ont pas manqué de s'étonner de la diversité de plantations présentes dans les deux parcelles de maïs fourrage présentées. Excusez du peu ! : maïs, haricot géant, vesce, tournesol, sorgho, lablab et féverole.
Vincent Romain, président de Carbone'n Caux, anticipe les questions des visiteurs par une formule résumant parfaitement la pratique: "Tout est semé en même temps. En terme de coût, ça picote un peu."
Vincent Romain, président de Carbone'N Caux, présente un outil strip-till rotatif - Photo : Benoît Thiollent.
Mais ce coût de semences, plus élevé en comparaison de la production d'un maïs ensilage traditionnel, est largement amorti par la qualité de l'aliment produit. Des économies, il faut aussi compter aussi sur les pratiques de semis simplifié. Et l'absence de labour et d'utilisation de fongicides. Pour aboutir à un coût de production amoindri. "Globalement, par rapport au conventionnel, pour tout ce qui est fongicide et insecticide, on est très très bas, voire plus rien du tout. Après en désherbage, on est dans la moyenne. L'idée de base, c'est de supprimer les factures", précise Vincent Romain.
Baptiste Gressent, hôte du jour sur les terres du Gaec de la Source basé à Sainte-Austreberthe abonde dans ce sens : "Je suis beaucoup moins dépendant de mes fournisseurs. Ce que je produis, c'est à moi, je ne produis pas pour les autres. Aujourd'hui, on a peu l'impression que dès qu'on sort des choses, il faut que l'argent arrive aux gens qui gravitent autour de nous. "
Avec pour objectif l'autonomie alimentaire, ces agriculteurs sont à même de donner des sueurs froides aux entreprises d'approvisionnement de la filière.
Baptiste Gressent, aux côtés de son père, Daniel. - Photo : Benoît Thiollent.
Des formateurs conquis
En bons élèves, les enseignants se sont pliés de bonne grâce à la fin du parcours de présentation à l'expression de ce qu'ils ont retenu :
"Ils ne veulent plus subir" "La satisfaction de travailler ensemble" "Le partage des expériences"
"La prise de conscience générationnelle des enjeux du territoire"
"L'envie d'innovation" "Les producteurs sont acteurs collectivement"
"Les couverts végétaux comme point central" "La réintégration de la polyculture élevage"
Reste qu'au delà de cette visite ponctuelle de formateurs, Carbone'N Caux travaille toute l'année avec les élèves du lycée d'Yvetot.
Vincent Romain nous évoque une transmission basée sur la stimulation de l'observation : "La relation entre le GIEE et les élèves, ce n'est pas leur montrer ce que l'on fait. Mais c'est plutôt leur dire : regardez, les agriculteurs peuvent chercher. Vous serez demain les acteurs de cette recherche."
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